Après 7 ans et 215'000 km

Après 7 ans et 215'000 km en Afrique, en Amérique, en Asie et en Europe, des raisons de santé nous conduisent malheureusement à mettre fin à notre nomadisme automobile et à vendre notre camping-car. Nous n'avons pas vu de meilleur véhicule que le combiné Toyota - Azalaï.

Nous nous souvenons de l'arrivée de Betty et John à Huanchaco au Pérou, après avoir franchi derrière nous le Cañon del Pato, réputé pour ses longs tunnels à une voie et sa piste étroite et vertigineuse. Ils étaient près à nous échanger leur spacieux camping-car Mercedes contre notre compact Toyota - Azalaï, épuisés de conduire leur poids lourd en Amérique du Sud, de rebrousser chemin à l'approche de ponts ne supportant que les véhicules légers, courbaturés de changer des roues pesant plus de cent kilogrammes et désespérés de renoncer à bivouaquer dans les villes dont les rues sont souvent inaccessibles à leur camion. Il y a aussi eu Pascaline et Angelo à bord de leur Unimog admirablement aménagé par leurs soins. Après quelques mois seulement de voyage, ils parlaient de le vendre pour revenir à un véhicule léger. Les bivouacs dans les jardins des auberges de jeunesse situées en pleine ville, pas pour eux. Ils sont pourtant le meilleur plan pour parquer le véhicule en toute sécurité, en plein centre-ville; mais inaccessibles avec les dimensions d'un poids lourd. Seuls ceux qui en ont conduit pendant des années voyagent confortablement sur les pistes d'Afrique, d'Amérique et d'Asie au volant de camping-cars pesant plus de cinq tonnes et mesurant deux mètres trente de large.

C'est grâce au fait que le camping-car était dans un conteneur que nous l'avons récupéré en parfait état à Bâle; alors qu'il avait été chargé sur un cargo en Namibie pour être acheminé au Sénégal. Moyennant un suivi étroit du conteneur par internet, il a été possible de changer sa route au moment où la pandémie de covid-19 touchait le monde entier et de le rediriger sur Bâle. S'il s'était agi d'un poids lourd convoyé en ro-ro ou sur un plateau, il serait aujourd'hui stationné sur les quais de Dakar, sans doute vidé par effraction de son contenu.

Cette longue introduction pour signaler que la première qualité du combiné Toyota - Azalaï est sa légèreté et ses dimensions réduites. Celle-ci ne privant pas d'un confort intérieur largement suffisant pour deux personnes, même quand l'attente par mauvais temps se fait longue à une frontière ou face à un bloqueo en Bolivie.

La deuxième qualité est la robustesse, tant du porteur Toyota que de la cellule Azalaï. Il nous est arrivé de nous arrêter brutalement après deux ou trois heures de tôle ondulée, complètement étourdis par le bruit, la poussière et les secousses, à ne plus savoir notre nom. Couper le moteur et silence pendant une heure. Café ou thé chauffé sur une table de cuisson blanche de sable fin puis redémarrage au quart de tour, pas une goutte d'huile sur la piste, pas un élément de carrosserie menaçant de se détacher, du sable et de la poussière partout, mais un moteur ronronnant comme si de rien n'était et des transmissions ne trahissant aucune vibration suspecte. Deux guides hollandais de voyages en Afrique, rencontrés à Francistown, Botswana, nous ont raconté qu'ils leur est arrivé d'ouvrir le capot de leur Toyota LandCruiser HZJ78 pour donner l'impression qu'ils faisaient un peu de mécanique, tant ils étaient gênés de voir leurs clients devoir procéder à des réparations presque tous les soirs, à l'étape, quand ce n'était pas en cours de route; alors qu'eux n'avaient encore souffert d'aucune avarie. Leurs clients débarquent d'Amérique, d'Australie ou d'Europe avec des véhicules tout-terrain de toutes les marques possibles, tous mieux équipées les uns que les autres; mais aucun ne vaut, et de loin, la rusticité et la robustesse du Toyota LandCuiser HZJ78. Il fait l'unanimité en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie et en Australie. Il suffit de demander aux terroristes de tout poil, ils se transportent et ils surchargent leurs HZJ78 (station wagon) ou 79 (pick-up) sur tous les continents où ils sévissent, plutôt que toutes autres marques. Ils trouvent toujours un mécanicien connaissant le véhicule ou la pièce à changer. Le véhicule existe depuis plus de vingt ans. Sa mécanique rustique, avec le minimum d'électronique, est d'une fiabilité proverbiale, elle supporte tous les carburants qui sont vendus en bidon sur les bords des pistes, elle ronronne aux altitudes les plus élevées et aux températures les plus basses. Le châssis et la carrosserie supportent les chargements les plus étonnants, de la cellule habitable avec tout le confort au canon 20 mm en passant par une famille nombreuse de passagers avec tous leurs bagages ou deux zébus pesant ensemble près d'une tonne.

S'agissant de la cellule Azalaï, tous les points négatifs soulevés dans notre chronique Après 2 ans et 100'000 km ont été corrigés. Ils s'agissait de faiblesses dues à une construction insuffisamment soignée et pas d'erreurs de conception. Une exception au niveau du toit que nous avons dû renforcer. Des fissures sont apparues au fil des kilomètres de piste, provoquées par la couchette suspendue à un couvercle de toit pas assez résistant pour en supporter le poids. La version de la cellule Azalaï dotée d'une couchette à tiroir, pas suspendue au toit, ne souffre pas de cette faiblesse; mais les banquettes latérales sont remplacées par deux sièges. Cette solution ne permet pas de s'asseoir à quatre autour de la table ni de profiter des deux banquettes pour s'allonger; ce qui peut s'avérer fort agréable pour s'étendre un peu pendant la journée.

Nous avons particulièrement apprécié les aérateurs installés à l'arrière du toit, tant en roulant qu'à l'arrêt, ils assurent une excellente circulation de l'air introduit par le tableau de bord, même toutes fenêtres fermées. En revanche, nous suggérons d'améliorer la ventilation des armoires par le perçage de quelques trous ou fentes. C'est aussi utile pour évacuer la chaleur de la table de cuisson et du réfrigérateur.

D'une manière générale, nous nous rendons vite compte que l'architecture intérieure d'Azalaï est judicieusement pensée et très fonctionnelle. C'est le résultat de l'expérience de plusieurs années de voyage de son créateur. Elle rend la vie confortable dans un volume pourtant très petit. Nous n'avons pas croisé d'autres cellules aussi intelligemment conçues.

Nous mettons aujourd'hui notre combiné Toyota - Azalaï en vente avec infiniment de regret. Celui ou celle qui le rachètera peut refaire les 215'000 km de nos voyages sans s'inquiéter. Il ou elle traversera des paysages époustouflants et bivouaquera dans des endroits idylliques, sans être trahi par sa monture.

Cernier, le 20 avril 2020 / Renaud Tripet

PS Le combiné Toyota - Azalaï a été vendu, bonne route à ses nouveaux propriétaires!


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