L'autodétermination des peuples

en Haute-Adige - Tyrol du Sud


Comme d'autres régions, le Haute-Adige - Tyrol du Sud connaît une histoire longue et mouvementée de la manifestation de ses identités à travers ses territoires. Sans application du droit à l'autodétermination des peuples de Haute-Adige - Tyrol du Sud, les tensions persisteront et elles continueront à faire le lit des mouvements nationaux-souverainistes.


La double désignation de cette région résume à elle-seule les luttes d'influences qu'a connu le Haut-Adige - Tyrol du Sud. Du Sud les italiens le regarde comme la région la plus au Nord, la plus haute, où coule l'Adige. Du Nord, les autrichiens le regarde comme la région la plus au Sud du Tyrol. On y parle encore aujourd'hui l'allemand et l'italien, plus le ladin dans les vallées les plus retirées. Le plurilinguisme est aujourd'hui reconnu par la population comme une richesse, d'autant plus qu'il s'ouvre aux autres langues apportées par le développement touristique.

La prospérité de son économie et l'ardeur au travail de sa population frappent le voyageur qui traverse la région autant que la beauté de son paysage et l'abondance de ses ressources agricoles. On y est le plus souvent accueilli en allemand, mais avec l'hospitalité et la chaleur caractéristiques du Sud des Alpes.

Un peu de lecture et quelques conversations révèlent des habitants qui éprouvent un fort sentiment d'appartenance à leur territoire, voire une certaine fierté. Il suffit de se pencher sur l'histoire de cette région pour comprendre que ce sentiment d'aimer et de défendre son pays résulte de la nécessité d'affirmer son indépendance face à des puissances étrangères avides de longue date d'y exercer leur pouvoir et de profiter de ses richesses.

Les premières populations sédentaires remontent à quelque 5000 ans av. J.C. La première puissance étrangère à s'imposer sur la région sera l'Empire Romain, durant les cinq premiers siècles de notre ère. Occupé pendant les deux siècles suivants par les envahisseurs - dirait-on aujourd'hui les migrants - lombards, bavarois et francs, le Haut-Adige - Tyrol du Sud tombe sous l'influence germanique dominante jusqu'à la fin de la Première Guerre Mondiale. Vers 1420, dénommé Tyrol, sa capitale deviendra Inssbruck en lieu et place de Merano.

Changement d'appartenance à l'issue de la guerre de 14-18, la frontière italienne est repoussée au Col du Brenner et la région devient l'Alto Adige. La décision est prise par Le Royaume-Uni, la France, la Russie et l'Italie. Les allemands du Tyrol et les ladins demandaient l'annexion à l'Autriche ou la création d'un état autonome; mais d'autodétermination des peuples concernés, il n'en était pas question. S'en suit l'italianisation massive de la région de 1922 à 1943 sous la houlette fasciste de Mussolini. Hitler ayant occupé l'Autriche, Mussolini se voit contraint de signer en 1939 un pacte offrant aux germanophones qu'il avait maltraités pendant plus de vingt ans d'opter pour l'Allemagne, celle-ci leur offrant une immigration facilitée, ou de rester en Haute-Adige et de devenir de "bons italiens". 85% des Tyroliens du Sud se proclameront optants; mais seule un petite partie pourra émigrer. Quelques-uns rentreront au pays après la guerre.

Le principe d'option n'a certainement pas été introduit par Hitler et Mussolini avec l'idée d'autodétermination des peuples. C'est ainsi qu'au moment de l'occupation du Nord de l'Italie par l'Allemagne, en 1943, la langue allemande est restaurée dans le Haute-Adige - Tyrol du Sud, les hommes doivent s'enrôler dans les forces nazies plutôt que sous les couleurs de la République de Salò et ce sont alors les italiens qui se trouvent en difficulté. A chacun son tour.

A l'issue de la guerre de 39-45, le Südtiroler Volkspartei, reconnu par les Alliés, demande le droit à l'autodétermination. Annexion à l'Autriche ou création d'un état autonome. Mais comme au terme de la guerre de 14-18, le peuple ne sera pas consulté directement. La France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l'Union Soviétique refusent le 1er mai 1946 la demande autrichienne d'un référendum populaire en Haute-Adige.

La nouvelle constitution italienne de 1948 reconnaît l'autonomie du Haut-Adige - Tyrol du Sud comme celle de quatre autres régions. L'ONU incite en 1960 l'Autriche et l'Italie à négocier sur l'application des mesures d'autonomie, reconnaissant ainsi implicitement à l'Autriche le droit de veiller sur le sort des Tyroliens du Sud. Pourquoi l'ONU n'a-t-elle pas incité l'Autriche et l'Italie à mettre en oeuvre le droit à l'autodétermination des peuples, un pilier pourtant du droit international depuis l'adoption en 1945 de la Charte des Nations Unies?

En 2001, le nom Südtirol est introduit dans la constitution italienne à côté de Alto Adige. Mais toujours pas de droit à l'autodétermination des peuples. Doit-on alors s'étonner du succès de la Lega (Ligue du Nord pour l'Indépendance de la Padanie) en Haut-Adige - Tyrol du Sud? Ou plutôt, n'est-ce pas en refusant aux peuples le droit à l'autodétermination que les oligarchies politiques en place font le lit des partis que je me permets de qualifier de nationaux-souverainistes?


Cernier, le 19 avril 2019 / Renaud Tripet


Bibliographie:
- La Cas du Haute-Adige ou Tyrol du Sud / L. Bagini Scantamburlo
- Le droit des peuples à l'autodétermination / M. Özden et C. Golay
- Histoire du Trentin-Haute-Adige / Wikipedia
- Merano / Wikipedia


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