Bivouac au pied de la Mosquée bleue
Bien m'en a pris de relever les coordonnées GPS du parc automobile situé au pied de la Mosquée bleue où j'avais lu sur internet qu'une famille y avait passé quelques jours. C'est le meilleur bivouac imaginable pour visiter Istanbul.
En répondant si aimablement et si précisément à mes questions de touriste retraité, l'ambassade turque de Berne m'avait d'entrée de jeu affiché une hospitalité qui ne s'est pas démentie dès le passage de la frontière. En quittant le matin Alexandroupolis sous la pluie pour me présenter au plus tôt à la frontière gréco-turque, je me rendis vite compte que j'allais me retrouver pris dans une longue file de trains routiers. Je me hasardai à remonter la colonne et je m'engageai sur la voie réservée aux véhicules légers. Des douaniers me firent aussitôt signe de m'avancer jusqu'à un premier guichet. Bref, l'obtention du visa et de la licence d'importation temporaire du véhicule ne furent qu'une formalité, avec une petite inspection de l'intérieur du camping-car. En moins d'une heure j'avais quitté la Grèce et je roulais sur les routes turques.
La bonne qualité des routes et les impressionnantes réalisations de génie civil ajoutés à une intense circulation d'automobiles et de camions traduisent sans conteste la réalité d'un pays en mouvement. Les multiples enseignes et les nombreuses implantations d'usines arborant des marques internationalement connues de produits manufacturés révèlent une économie dynamique à la porte occidentale de l'Asie. Le pays est en guerre; mais ça ne se voit guère.
Bonne surprise, les péages d'autoroute, les magasins et les stations-services acceptent ma carte de crédit. Je n'ai pas encore pu changer de livres turques. Je crois avoir vu une publicité Migros (une des principales sociétés de la grande distribution helvétique) sur une aire de stationnement de l'autoroute. Je fais halte à Çorlu pour remplir le réfrigérateur et je me parque devant une Migros MMM. Il n'y a pas de doute, la Turquie est un marché pour la Migros suisse. Je pourrai même payer avec ma carte de crédit électronique (ApplePay), comme ce sera aussi le cas dans d'autres magasins ou restaurants. La Turquie est à la page et ça fonctionne.
A l'entrée de grandes villes, je me demande toujours ce que mon GPS Maps.me va me réserver comme surprise, en me proposant des itinéraires où je peine à passer avec le camping-car ou en me dirigeant dans des sens interdits. La circulation d'Istanbul est conforme à la réputation de ville trépidante de l'ancienne Constantinople. Mais le touriste hésitant aux carrefours et cherchant sa voie n'est pas rejeté à coups de klaxon. Je me retrouve assez facilement au pied de la Mosquée bleue, devant le petit tunnel de l'autre côté duquel se situe un parc automobile. Après avoir vérifié que la hauteur est suffisante, je roule jusqu'à la guérite où un gardien souriant m'indique où je peux me parquer. Le parc est plein et il n'y a plus que deux places libres. Quelle chance! Je suis un peu en pente; mais j'arrive à corriger le niveau avec les cales que j'ai emportées. Je me rends aussi compte que je suis placé de telle sorte que je n'empêche pas le gardien de manoeuvrer les véhicules pour permettre les entrées et les sorties. Le parc se vide pour la nuit, mais il est gardé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Des quartiers d'habitation en contre-bas me séparent de la grande artère longeant la mer. Je passerai deux nuits dans un calme que probablement peu d'hôtels du centre-ville peuvent offrir à leurs hôtes. Je passe le tunnel d'une trentaine de mètres et je me retrouve dans la vieille ville. Il n'y a pas de meilleure formule pour faire halte dans une grande ville avec son camping-car. Mais attention, pour les compagnons de route qui me lisent, l'accès n'est possible qu'avec un véhicule léger. Je ne m'y lancerais pas avec des dimensions dépassant 2,80 m de hauteur, 2,00 m de largeur et 6,00 m de longueur.
La température est agréable, le soleil luit, je me rends aussitôt réveillé à la basilique Sainte-Sophie d'où je ressors bien sûr sidéré par la célèbre coupole et, surtout, par la cohabitation de symboles chrétiens et musulmans.
La Mosquée bleue est malheureusement fermée pour restauration, je me dirige alors vers le bazar des égyptiens (aux épices) et le marché qui s'étend dans ce qui fut, selon le guide improvisé qui m'accompagne, le plus vaste caravansérail qui n'ait jamais existé. On passe devant la maison qu'occupa l'écrivain français Pierre Loti. Les stambouliotes ne l'ont pas oublié. Je foule encore le continent Europe, mais je suis déjà agréablement happé par l'ambiance de l'Asie. Demain je franchis le Bosphore par un des fameux ponts reliant les deux continents et j'irai bivouaquer au bord de la Mer Noire que je me réjouis de découvrir.
Istanbul, le 12 mars 2018 / Renaud Tripet
Piano Sonata No. 11 In A Major, K. 331: Rondo: Alla Turca