Nola gaie


Nola, parce-que c'est ainsi que La Nouvelle Orléans est affectueusement appelée; gaie, parce-qu'elle n'a pu compter que sur sa gaité naturelle pour surmonter les affres de la guerre, puis d'une économie à la peine et d'éléments naturels jamais cléments avec elle.

Nola gaie est aussi un jeu de mot en hommage au nom de l'avion, Enola Gay, qui mit probablement fin à la seconde guerre mondiale en larguant son "little boy" atomique sur Hiroshima. En visitant le Musée de la seconde guerre mondiale de La Nouvelle Orléans, le plus réputé des Etats-Unis, nous avons un peu mieux compris pourquoi cet immense pays est entré "si tardivement" dans le conflit, pris en étau entre les exterminateurs nazis et les impérialistes nippons. Mais une fois décidés, quelle machine de guerre les américains ont été capables d'animer. Ce ressort de confiance en eux et en l'avenir est encore impressionnant aujourd'hui; même s'il peine un peu à se détendre à La Nouvelle Orléans. Accessoirement, la visite de ce musée a aussi été l'occasion de découvrir un film en 4D, son périphérique, image en profondeur, objets réels complétant l'image filmée et fauteuils vibrants. C'est un peu un gadget, mais c'est amusant.

Nola est le berceau du jazz dixieland, un des premier styles de jazz reconnus, issu des fanfares de Storyville, le quartier de Nola qui concentrait au tournant du XXème siècle les activités touchant à l'alcool, au jeu et à la prostitution. Les musiciens de Nola montèrent jouer du dixieland à Chicago et à New York peu avant le première guerre mondiale. Les mélodies dixie de Basin Street Blues ou de When the Saints go marching in appartiennent aujourd'hui à la mémoire de l'humanité. Aujourd'hui toujours, le vendredi vers quatre heures de l'après-midi, les rues et les bars de La Nouvelles Orléans s'égaient au son des tompettes, des trombones, des clarinettes et des sections rythmiques de diverses formations qui rivaliseront entre elles jusqu'à l'aube du dimanche. C'est ainsi que les néo-orléanais oublieront la dureté de la semaine de travail passée et se ressourceront pour la prochaine.

Dixie ou Dixieland est le surnom qu'ont reçu les territoires des anciens états confédérés d'Amérique et des états esclavagistes restés fidèles à l'Union; autrement dit des états situés au Sud de la ligne de démarcation Mason-Dixon marquant la limite légale de l'esclavage. D'aucuns racontent que l'origine du mot dixie tient à un billet de dix dollars émis avant la guerre civile par la Banque des Citoyens de la Louisiane, sise Royalstreet at New Orleans, et sur lequel était imprimé le mot dix. On payait avec des dixies.

La meilleure manière de se rendre au centre de La Nouvelle Orléans est sans conteste d'emprunter son tramway. C'est toujours le même, ou presque, que celui qui inspira Un Tram nommé Désir à Tennessee Williams. Il vécut à Nola à l'époque où il écrivit son chef-d'oeuvre. Les voyageurs du tramway sont toujours aussi hors du commun, mais tellement conviviaux. Et se faire doucement bercer de gauche à droite et d'avant en arrière en rêvant à Vivian Leigh et à Marlon Brando, point de meilleure mise en condition.

Nous avons eu la chance de récupérer notre studio automobile à Houston, entre deux inondations qui ont dévasté la ville, et nous sommes arrivés à La Nouvelle Orléans après avoir traversé sans encombre le Bassin d'Atchafalaya, la plus grande zone humide, le plus vaste marais des Etats-Unis. Orages et pluie torrentielles nous ont encore tenus à Nola; mais les dieux des nomades étaient avec nous, nous avons gardé la tête et le moteur hors de l'eau jusqu'à notre départ pour Keywest, le point le plus au Sud de notre périple aux Etats-Unis, à moins de 200 km à vol d'oiseau de La Havane.


News Orleans, le 15 avril 2016 / RT

Musique: Blues in the Night, Ella Fitzgerald