Les arches des temps
Outre sa beauté et les émotions qu'il suscite, le parc national des Arches en Utha aux Etats-Unis offre une déclinaison particulièrement esthétique et didactique des saisons, mais aussi des temps géologiques et de l'histoire humaine. Les tableaux qu'il expose en passant les quatre saisons, l'histoire des populations qui l'ont habité et finalement les formations et les mouvements géologiques qu'il subit en font un condensé de l'histoire de l'immense Plateau du Colorado où il se situe et du célèbre fleuve éponyme qui le traverse.
Dur comme le roc dit l'homme; mais à l'échelle du temps géologique la roche est fluide comme l'eau. Les premiers hommes qui ont habité le Plateau du Colorado se déplaçaient à pieds pour se nourrir. L'européen chercheur d'or leur apporta le cheval - d'autres choses moins recommandables aussi - et les nomma à tort indiens. Ceux-ci emmènent aujourd'hui les descendants en vacances de l'européen resté en Amérique ou retourné sur son continent pour découvrir à cheval les beautés et les mystères d'Arches, de Monument Valley et des autres parcs plantés sur les territoires des ancêtres. L'indien, l'européen et l'américain admirent depuis toujours les arches creusées par les forces de la nature et leur donnent des noms: Delicate Arch, Double Arch, Double O Arch, Lanscape Arch, North and South Windows… Et pourtant elles évoluent inexorablement vers leur effondrement et leur remplacement par d'autres.
A l'instar de celui de tout le Plateau du Colorado, de celui de toute la croûte terrestre, le paysage du parc des Arches se transforme continuellement sous les coups à la fois artistiques, constructeurs et destructeurs de la pluie, du soleil, du vent et des mouvements géologiques. L'homme ne peut que s'incliner devant la beauté époustouflante et mystérieuse que lui réserve le grand modeleur de l'espace qu'est le couple ciel et terre. Il progresse dans l'explication des processus physico-chimiques de l'érosion. Il préserve des territoires entiers d'une exploitation humaine débridée, pour que la nature joue sa partition sans encombre. Loin de moi l'idée que ce fût inutile ou vain; mais l'homme et ses colonnes d'automobiles et de touristes semble tellement minuscule au milieu de cet immense cataclysme continu. Il disparaîtra comme beaucoup d'espèces vivantes avant le Plateau du Colorado; alors que le ciel et la terre continueront de modeler des paysages qui dépassent l'imagination.
Dans le grandiose théâtre géologique de notre terre, je considère les multiples gestes et mesures humains de protection de la nature comme de simples et modestes actes de respect nécessaire de la nature. J'y adhère complètement et sans réserve; mais je ne crois pas que leur portée dépasse de beaucoup l'effet d'un coup de frein infiniment petit à l'échelle du devenir de la planète qui nous héberge.
Les multiples assèchements et recouvrements d'eau qu'a connu le Plateau du Colorado se sont succédés sans intervention humaine. La fracture tectonique de sa surface qui lui a donné deux niveaux principaux à quelque 1000 m d'altitude de différence. Les craquèlements pédologiques qu'il a connus et, finalement, l'érosion architecte des beautés que nous étudions et visitons aujourd'hui. Tout finira en une vaste étendue plus ou moins salée, comme d'autres plaines traversées nous le rappellent. Alors l'intervention humaine…
Aujourd'hui, les arches du parc national du même nom sont à l'intersection de l'espace et du temps. Elles sont en construction-destruction continue; mais elles sont tellement belles. Elles inspirent un telle admiration. Elles offrent des promenades magiques en cachant animaux et plantes dans les endroits les plus romantiques. Elles présentent de nuit le premier plan d'un décor animé par les autres mondes que le ciel contient. Elles ne demandent qu'à être visitées. A l'échelle d'une vie humaine c'est possible; alors rendez-vous au Arches des temps.
RT, à suivre…
Musique: Last Rites of Rock 'n' Roll / Joshua Redman
Référence: Window in Time, film de Gray Warriner.