Nos chroniques
Nos chroniques
Le camping dans le sang
Qui n'a pas rêvé de traverser les Etats-Unis dans une belle américaine tractant une Airstream? Quel plaisir de découvrir l'art du camping des américains! Mais qu'est-ce qui les poussent à voyager au volant de "rigs" tellement "big"?
Enfant devant partager la banquette arrière de la Chevrolet Fisher (Fleetwood) avec mes trois frères et soeur, alors que nous roulions de nuit sur la Nationale 7, cap au Sud, une lourde caravane louvoyait à l'arrière. Mon esprit vagabondait déjà à l'idée de traverser l'Amérique en tractant une caravane en aluminium Airstream. Conçue entre deux guerres par William Bowlus, ingénieur ayant supervisé la construction du Spirit of St Louis de Charles Lindbergh, cette caravane évoquait un fuselage d'avion. Son succès traversa la crise des années trente sans frémir; mais je ne le savais pas. Ce sont sa silhouette aérodynamique et sa brillance qui m'impressionnaient.
Les Airstream me font encore plus rêver depuis que j'en croise sur les routes américaines et que j'en ai visité une à l'intérieur. La classe… Il n'y a pourtant pas un jour où nous n'avons pas été interpellés sur notre "rig". "I love your rig. How can You live for so long in such a small rig? So compact.". Campeurs, rangers, passants, notre LandCruiser hzj78, son six cylindres diesel en ligne et sa cellule Azalaï les font rêver eux aussi. On verra s'il s'en trouve un intéressé à l'acheter quand nous arriverons en 2017 à Vancouver, au terme de notre périple américain. Nous le vendrons plutôt que de le charger sur un cargo pour quitter le continent; mais il faudra nous en donner un prix nous permettant d'en acheter un nouveau pour la suite de nos pérégrinations. Elles devraient nous amener en Asie.
Faire la route 66 au volant d'une américaine ronronnant comme une grand-mère Ju 52 est une idée venue plus tard. Nous nous sommes retrouvés à plusieurs reprises sur les 2'500 miles mythiques reliant Chicago à Los Angeles; mais le jeu n'en vaut plus la chandelle. L'itinéraire discontinu est bordé de vieilles stations-services et d'anciennes auberges le plus souvent à l'abandon. La route ne traverse de loin pas toujours les paysages les plus intéressants et les quelques boutiques vendant des souvenirs de la conquête de l'Ouest n'ont souvent que des articles kitchs à proposer. Nous n'en aurons parcouru que quelques tronçons.
Revenons au camping. Nous savions les américains fous de camping et de feu de camp, mais pas à ce point. Durant leurs quelques jours de vacances, généralement une dizaine seulement par an, ou le week-end quand ils ne travaillent pas, ils attèlent leur caravane ou ils montent dans leur motor-home et départ pour passer quelques jours au bord d'un lac, dans un parc naturel ou en forêt. Ils arrivent toujours au camping avec du bois de feu et ils en allumeront un avant d'aller se coucher, par n'importe quel temps. Ils demandent à leur voisinage si leur radio ou leur tv n'est pas trop forte et de 22h00 à 7h00 silence, dedans ou dehors. Dans les campings sans électricité, les heures d'autorisation des génératrices sont limitées, et seulement dans certains secteurs. Quand les climatisations d'air seront silencieuses, ce sera parfait. Il y en a sur presque tous les toits des "rigs". Nous aimons leur art de cohabiter en respectant la tranquilité du voisin, leur manière de toujours vous adresser un petit mot gentil ("Have a nice day! Be safe! Welcome in USA! Thank You for the nice speaking!"). Au début c'est ressenti comme un peu intrusif; mais ça devient avec le temps "so friendly". Nous préférons définitivement la superficialité amicale des américains à l'arrogante ignorance des européens. Et c'est vrai au camping, au supermarché, à la station-service, dans les endroits touristiques bondés et en promenade.
Il y a des milliers de campings aux USA, des plus simples dans les parcs naturels aux plus luxueux, à proximité des casinos, des golfs et des marinas. S'ajoutent les emplacements gratuits pour passer la nuit dans les parcs de certains supermarchés comme les Wallmart et quelques endroits retirés où le camping sauvage est possible. Les équipements sont toujours admirablement conçus, bien entretenus et presque toujours proprets. Mais comme les américains campent en masse, mieux vaut réserver dans les campings les plus courus, ou, comme nous, prendre le risque de devoir aller chercher une place dans le suivant.
Employés appelés à travailler à des centaines de kilomètres, retraités à la recherche d'un meilleur climat, familles manquant de moyens ou originaux aux activités indéfinissables, ils sont des milliers à vivre toute l'année sous tente, dans une caravane ou dans un camping-car en plus des vacanciers. Ils sont même beaucoup plus nombreux. On voit des caravanes et des camping-cars des plus usagers aux plus récents, des plus petits aux plus gigantesques et des plus mobiles aux plus statiques. Dans les campings, les plus riches (motorhome+auto+moto+bateau) côtoient les plus fauchés (tente ou caravane qui prend l'eau de toute part). Les Porsche, les Jaguar et les Corvette sont stationnées au camping à côté des camionnettes, des plus luxueuses aux plus rouillées. Si ce ne sont pas des retraités suisses avec leur modeste camionnette, on voit parfois des caravanes pliantes ou quelques tentes qui sont installées au milieu de la multitude des "big rigs".
En Chevrolet ou en Harley Davidson, les américains tirent le plus souvent une remorque. Les camionnettes une caravane, une auto ou un bateau, souvent deux véhicules à la fois. Les attelages sont aussi hauts et aussi longs qu'un train routier; mais les routes et les campings sont aménagés en conséquence. Et si le parcage nécessite des manoeuvres, le personnel du camping prend volontiers le volant des véhicules conduits par les chauffeurs qui ne connaissent que la marche avant sur voie élargie.
Les américains que nous avons croisés aiment leur pays. Nombreux consacrent les premières années de leur retraite à visiter tous les états, leur rêve. Ils participent pour la plupart aux cafés, aux séances de cinéma et aux autres activités organisées par les campings. La vie communautaire est plus importante aux USA que la vie privée. Ce pays d'immigration qui a multiplié sa population par trois entre 1910 et 2010, ou par cent en à peine plus de deux siècles (1,4% de croissance démographique aux Etats-Unis entre 1700 et 2012 contre 0,6% en Europe) peut observer de haut l'individualisme, le culte de la sphère privée et la croissance des inégalités inversement proportionnelle à celle de l'économie qui prévalent chez nous. Il y a bien sûr des racistes, des nationalistes et des protectionnistes; mais la plupart, la grande majorité, sont ouverts et altruistes. La vie est plus dure aux USA qu'en Europe, notamment pour les employés des entreprises appelées à faire des économies et pour les retraités qui doivent travailler en nombre dans les supermarchés, les stations-service et les parcs récréatifs. Ne les imitons pas sur ce point; mais inspirons nous d'eux s'agissant de vivre ensemble et d'accueillir ceux qui demandent asile à nos frontières.
Accueillir les réfugiés demandeurs d'asile toujours et les migrants économiques demandeurs d'un travail dans la mesure du possible; mais les migrants fiscaux fuyant leurs responsabilités citoyennes jamais.
RT, à suivre…
PS C'est volontairement que nous nous sommes arrêtés aux multiples points positifs de la vie au contact des américains. Nous avons tellement entendu et lu en Europe sur leurs défauts. C'en était trop et ça nous a donné une image complètement erronée.
03.09.15
Sweet Low, Sweet Chariot