Nos chroniques
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Traversée en solitaire
De Mexico à Los Angeles via la Baja California, seul en camping car, ce n’est pas le Vendée Globe Challenge, mais à la modeste échelle qui est la mienne, c’est un challenge tout de même.
Adepte de la marche en solitaire depuis mon adolescence, après avoir partagé mon quatre mètres carrés roulant de Bogota à Managua avec ma nièce Mélanie et de Managua à Mexico avec mon fils Thomas, je me réjouissais d’accomplir cette traversée de la Baja California mexicaine en solitaire.
L’expérience est plutôt agréable et je me réjouis de la renouveler; mais, aux deux tiers du parcours, j’ai hâte de retrouver ma partenaire nomade favorite. Ce sera à Los Angeles, à plus de mille kilomètres ou dans moins d’une semaine.
Seul, le quatre mètres carrés de la maison automobile est carrément vaste et très confortable. Il a la dimension idéale pour vivre à l’intérieur par temps maussade, mais aussi pour conduire, en particulier pour manoeuvrer sans aide-chauffeur. A deux, si entente il y a , la taille reste près de l’optimal. Je dirais qu’il ne manque qu’un ou deux sièges assis à l’arrière quand le lit est abaissé. On doit donc aller s’asseoir devant quand un des deux est déjà allongé.
A deux je trouvais déjà que la journée était largement remplie par la détermination de la prochaine étape, la navigation, la conduite, la recherche du bivouac, l’installation et le pliage à l’étape, les approvisionnements en nourriture et en carburant, le ménage et la mécanique courante, la correspondance et le site internet, les repas, le repos et, finalement, la route, les marches, les visites et les photos. Seul, la journée est encore plus remplie. Il convient de prendre davantage garde au repos. Comme mon plaisir de conduire est inversement proportionnel au temps au volant, je raccourcis les étapes.
Suivre sa route est plus aisé au GPS que quand il fallait lire la carte. Seul ça tenait de l’exploit. Il faut tout de même mieux s’arrêter quand il s’agit de procéder à des recherches sur le GPS ou sur la carte; sinon, on est à peu près sûr de passer sur un ralentisseur sans avoir dûment réduit sa vitesse. On prend, le cas échéant, des risques encore beaucoup plus sérieux. Bref, pas de recherche au GPS en conduisant, c’est comme pour les textos.
J’ai croisé quelques voyageurs solitaires. Ils ont tous besoins de relations humaines, ils se retrouvent dans les campings. Mais il y a des journées qui se suivent en solo, parce-qu’on choisit des bivouacs en dehors des sentiers battus; la conversation manque alors un peu quand elle se limite à bonjour et au revoir avec la caissière du magasin ou avec la personne qui fait le plein de carburant. FaceBook, Skype et la musique embarquée aident, mais ça ne vaut pas les échanges avec sa partenaire de route, même s’ils sont parfois animés. Et dans les galères, la solitude peut vite devenir une complication supplémentaire. Je pense à Marc qui s’est blessé un bras à Teotihuacan. Outre les difficultés ménagères ou pour faire sa toilette, il n’était plus en mesure de conduire son camion. Il arrivait ainsi à la fin de son deuxième mois au pied des pyramides. Il se réjouissait vivement de pouvoir reprendre la route.
Paradoxalement, j’ai essayé de passer les fêtes pascales à l’écart de la foule, en me rendant à la baie de l’Ojo de Liebre, accessible après avoir traversé le salar du Désert de Vizcaíno (deux photos de gauche). L’endroit est réputé accueillir des baleines grises de janvier à mars. Peut-être en verrai-je encore une ou deux attardées. Manque de chance, la baie était bondée de campeurs en week-end prolongé, mais pas une baleine grise à l’horizon. J’ai traversé le lendemain le même désert, mais en direction de la Baie d’Asunción. Pas un chat sur une dizaine de kilomètres de plage couvertes de coquillages arrondis par l’érosion (photo de droite). Pas de baleine non plus, mais un massage très agréable des pieds en marchant sur ces coquillages arrondis et chauffés par le soleil, pas du tout coupants.
Et pour rompre la solitude au moment de m’enfermer dans ma cellule à la tombée du jour, je lis la Tour Sombre de Stephen King. Le premier tome, Le Pistolero, se déroule dans un paysage qui pourrait bien être celui que je traverse. Et si les bandits de grand chemin et les policiers corrompus m’ennuient, je ferai appel au Pistolero, il a la gâchette efficace. Mais pour le moment, les mauvaises rencontres dont j’ai tant entendu parlé ne m’ont pas touché. Je touche du bois.
Merci Mexique, j’aime la solitaire à travers ta Basse Californie.
RT, à suivre...
07.04.15
Hold on, I'm comin'