Tu souffres paraît-il des milliers de touristes qui viennent assister tous les matins à ton envol de la Cruz del Condor du Canyon de La Colca. Certes, ils ne sont là que deux heures de temps, mais ils arrivent en masse, serrés dans une centaine d'autobus qui les déversent juste au sommet de la falaise où tu as accroché ton nid. Ne peux-tu pas aller en face, où il n'y a pas d'accès carrossable?

Il faut bien dire que ce matin tu t'es élevé dans les airs avec les premiers thermiques, en tournoyant au-dessus de nous et en donnant l'impression que tu prenais un certains plaisir à jouer la vedette. Tu nous as en tous cas gratifié de plusieurs passages à ras les bonnets en nous regardant d'un oeil narquois. Et puis tu t'es éloigné en prenant de la hauteur et en disparaissant dans les premiers rayons du soleil, je suppose pour aller te nourrir.

Je suis revenu ce soir pour te saluer encore une fois. J'étais seul au pied de la croix au crépuscule. Il m'a fallu les jumelles pour te surprendre à glisser le long des flancs du canyon et à rejoindre subrepticement ton nid. Tu m'as donné l'impression de préférer être porté par les thermiques du matin plutôt que de devoir piquer du nez pour que le vent descendant du soir ne te plaques pas contre le sol.

La foule du matin n'en veut qu'au superbe spectacle que tu lui offres en quittant ton nid. Garde tes distances, ferme tes narines et tes yeux en traversant les nuages de gaz d'échappement qu'elle t'apporte; mais ne nous quitte pas Condor. On t'aime...

Cruz del Condor de La Colca, Fitz Roy, Îles de Pâques, Îles flottantes Uros du Lac Titicaca, Îles Galapagos, Machu Picchu, Mont-Blanc, Pantanal, Perito Moreno, Presqu'île de Valdez, Salar d'Uyuni, Torres del Paine et tous les autres hauts lieux de l'écotourisme planétaire. Attention, respectons les consignes des gardiens de l'environnement et de la faune. Ou alors le condor, la truite, la tortue, le guépard et les autres nous quitteront.

Le tourisme est une planche économique de salut pour de nombreuses populations du Monde; mais quelle désolation d'observer combien les opérateurs de visites guidées, artisans ou de grandes organisations, manquent à leur devoir de respect des consignes les plus élémentaires de protection de l'environnement et de la faune. C'est parfois tellement criant que nous préférons renoncer à certaines visites. Il y a heureusement encore beaucoup d'espaces à l'écart des lieux d'exploitation touristique intensive. Et peut-être qu'il vaut mieux concentrer l'humanité en voyage sur quelques points plutôt que de la laisser s'étendre à l'infini.

A suivre...