Nos chroniques
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Le barbecue du routier
La nuit va tomber dans moins d'une heure, une dizaine de trains routiers sont déjà arrêtés derrière la station-service à la hauteur de laquelle nous arrivons, mais le parc est bien en retrait de la route et il y a encore une petite place à l'ombre des trois camions installés tout à gauche. Les campings sont rares au Brésil et les endroits où bivouaquer discrètement sont peu nombreux le long des grands axes. Les terrains sont clôturés à peu près partout et les pistes de traverse sont trop étroites pour s'y arrêter la nuit sans risquer de gêner le passage d'un tracteur ou d'un camion. Nous passons donc souvent la nuit dans les stations-service. Elles sont plutôt sûres et elles fournissent des services aux routiers (carburant, ateliers d'électricité, de lavage, de mécanique ou de réparation des pneus, mais aussi magasin, restaurant et, parfois, du wifi) qui, à l'occasion, nous sont très utiles à nous aussi. Le ronronnement des moteurs et le sifflement des freins pneumatiques s'entendent toute la nuit et font un peu regretter les bivouacs seuls dans le désert d'Atacama ou sur l'Altiplano, mais nous nous y habituons, et, nous n'avons d'ailleurs pas le choix.
Ca sent bon la grillade entre les deux premiers camions et les trois chauffeurs que nous venons saluer nous invitent aussitôt à leur apéritif fait de saucisses grillées, de noix de cajou et de bière. Ils nous expliquent qu'ils s'apprêtent à passer les deux prochains jours sur place, leur syndicat les empêchent de rouler le week-end et les jours fériés; alors ils se permettent de boire de l'alcool et demain, après la lessive, ils feront une bonne bouffe. Trois autres trains routiers arrivent et leurs chauffeurs rejoignent le groupe. Ils étaient attendus. Ils sont tous amis et essaient de se retrouver quand ils doivent s'arrêter deux ou trois jours loin de leurs familles. Ce n'est pas toujours facile, ils roulent principalement sur l'axe Bélem - Sao Paulo de 3'000 km. La cachaça commence à couler dans des petits verres pour être bue cul-sec entre deux lampées de bière. Nous retournons à la nuit à notre camping-car après avoir convenu que nous mangerions le lendemain ensemble à midi des poulets spécialement cuisinés pour nous selon la tradition du Minas Gerais d'où vient toute l'équipe. Un dernier camion arrive. Le chauffeur en descend avec sa femme. Les motoristes, c'est ainsi qu'ils se nomment, emmènent une ou deux fois par année leur femme et leurs enfants pour les accompagner durant un voyage. Ils sont peu ensemble.
Nous sommes réveillés vers 6h30 par un des trains routiers qui vient décrocher ses remorques (il y en a souvent deux au Brésil) à côté de nous. Un café rapide et son chauffeur Afonso nous invite à monter dans son bahut dételé pour aller acheter le nécessaire au repas de midi au marché de Sobral. La couchette située derrière les siège est bien rangée et la cabine est proprette. Nous avions aussi remarqué la veille que sa caisse-cuisine était remarquablement propre, comme d'ailleurs tous les ustensiles de cuisine.
Afonso choisit deux poulets vivants, achète des saucisses, des légumes et des piments doux, des noix de cajou et deux douzaines de bouteilles de bière. Il a une réserve de riz dans sa cuisine mobile. Nous contribuons au repas en payant les deux poulets. Il nous remercie en nous offrant un jus de canne à sucre frais. Il tombe à pic, il fait déjà chaud dans le marché bondé et le jus est rafraîchissant. De retour à la station-service, les autres compagnons de bivouac ont presque terminé la lessive et l'apéritif est sur le point d'être servi. Afonso règle leur sort aux deux poulets avec beaucoup de savoir-faire et le reste de la compagnie s'occupe de les plumer, de les vider et de les laver. Afonso se charge de la cuisson d'un des poulets avec une sauce au piments, l'autre sera apprêté par Aldo à l'huile et aux herbes. Deux autres compagnons cuisent chacun une casserole de riz, une au safran, l'autre nature. Le riz est cultivé dans la région.
Nous nous régalerons et Jocelyne se verra offrir le hamac d'un des chauffeurs pour la sieste...
Les routiers sont sympas au Brésil aussi.
A suivre...
16.06.14
O Barquinho