Nos chroniques
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Curitiba ne faillit pas à sa réputation
Capitale du Paraná, Curitiba a commencé à faire parler d'elle au début des années septante. Les initiatives audacieuses de son maire architecte Jaime Lerner et d'une bande d'urbanistes novateurs, qui pourfendaient les principes dépassés de l'urbanisme voué à l'automobile d'Oscar Niemeyer et de ses disciples, ont fait de cette cité un modèle d'intégration et de préservation architecturale. Aujourd'hui encore elle en profite et elle ne manque pas d'inspirer ceux qui savent regarder dans le jardin d'à côté. Et sachant reconnaître les talents de ses pairs, c'est néanmoins à Oscar Niemeyer que la ville confia la construction du superbe musée éponyme (v. photo de gauche) dont la programmation révèle avant tout la créativité et la technique des peintres et des sculpteurs brésiliens.
Ceinturée par des favelas où il devenait difficile de distinguer les habitats des ordures et où les camions-poubelles ne pouvaient pas circuler, ces quartiers ont été assainis en offrant 500 gr de légumes à tous ceux qui apportaient 2 kg de déchets. Ca fonctionne toujours.
Etouffée par une circulation automobile envahissante, c'est Curitiba la première qui créa des couloirs pour les transports publics et les taxis, qui fit construire des autobus beaucoup plus longs, de trois éléments, que ceux jamais vus alors. Elle développa l'offre et la couverture du réseau de transport public, comme probablement seuls les suisses savent le faire, mais en abaissant le prix des courses au point que les automobilistes sont très nombreux à laisser leur voiture au garage ou dans les parcs de la périphérie.
Confrontée à l'explosion du parcage automobile sauvage devant les magasins, Jaime Lerner y répondit en créant la première zone piétonne. Pour empêcher les automobilistes récalcitrants de venir manifester contre celles-ci en l'occupant avec leurs véhicules, il inventa l'action civique en mobilisant les enfants à venir y dessiner. Et très vite les commerçants demandèrent une extension de la zone piétonne, tellement leurs affaires en profitaient.
Des parcs boisés furent aussi créés, mais au point d'offrir des espaces verts à tous. Ils passèrent de 0,5 m2/hab. à 5,0 m2/hab., nonobstant une démographie galopante. Des centaines de milliers d'arbres furent plantés.
C'était aussi une époque où les finances publiques sud-américaines connaissaient une déroute dont personne n'imaginait comment y mettre fin. Curitiba inventa les enveloppes budgétaires globales et imagina d'en attribuer aux quartiers où elles sont depuis gérées directement par les citoyens. Ils décident des priorités.
Curitiba fit avant tout le monde du développement durable. L'expression sera inventée beaucoup plus tard...
L'approche de la gestion publique de Curitiba donne aujourd'hui lieu à des cours dans les universités. Elle est considérée comme un exemple de bonne pratique en matière de gestion communale.
Après quarante ans d'audace et d'innovation, Curitiba est toujours une ville de presque deux millions d'habitants où il fait incroyablement bon vivre. En outre, le caractère multiethnique de sa population, à l'instar de toute celle du Brésil, mais ici encore davantage, est complètement assumé. Au marché municipal, par exemple, que ce soit dans les étales ou aux restaurants du premier étage, vous pouvez acheter ou manger allemand, arabe, français, guarani, italien ou encore japonais. Le cube du mémorial arabe - les neuchâtelois comprendront que j'en parle - trône majestueusement en pleine ville (v. photo du centre). Quant au touriste, l'ambiance décontractée et rassurante le met immédiatement à l'aise. Prendre un autobus, trouver son chemin ou se détendre est aisé.
Au chapitre des anecdotes, Curitiba réussit aussi son coup. Nous y retrouvâmes, étudiant de sixième semestre en médecine, Alejandro Losso que nous avions reçu cinq années auparavant à Cernier dans le cadre d'un des célèbres camps de jeunes organisés par le LIONS Club International. Il nous fit monter à Guarapuava pour y trouver ses parents, marchands et réparateurs de bicyclettes. Au Brésil, c'est un métier qui fait encore vivre décemment l'artisan.
La seconde anecdote de Curitiba tient au fabricant de camping-cars Só Trailer, lui aussi artisan, qui ouvre son jardin aux voyageurs en camping-car qui cherchent où se parquer, le temps de visiter la ville. Les campings sont peu nombreux au Brésil, très rares dans les villes. Et pourtant les brésiliens ont l'habitude de voyager dans des camping-cars qui tiennent davantage de l'autobus que de la camionnette. Allez comprendre...
A suivre...
29.04.14
Berimbau