Nos chroniques
Nos chroniques
Une oeuvre remarquable
Arrivés presque au terme de notre périple sud-américain, nous nous devons d'exprimer notre admiration de l'oeuvre accomplie, et encore en action, de la Compagnie de Jésus en Amérique du Sud. Nous ne sommes de loin pas des spécialistes de la question, encore moins de l'ordre lui-même. Couple de mécréants ayant reçu une éducation catholique pour elle et protestante pour lui, c'est avec un oeil plutôt naïf et très agréablement surpris que nous avons visité quelques-unes des missions jésuites installées depuis le 16ème siècle en Amérique du Sud et des églises édifiées dans les grandes villes par la Compagnie de Jésus.
Au-delà du remarquable travail de restauration entrepris dans les années septante par l'architecte suisse Hans Roth pour restaurer les missions de Chiquitos en Bolivie, c'est la manière avec laquelle les jésuites ont approché la question indienne en Argentine, en Bolivie, au Brésil, en Colombie, au Paraguay, au Pérou, en Uruguay et au Venezuela dans une centaine de villages qui inspire tant d'admiration.
Alors que le continent sud-américain subissait une occupation espagnole et portugaise visant à piller les ressources culturelles et naturelles ainsi qu'à réduire en esclavage les indiens avec la sacro-sainte approbation de l'église catholique, les missionnaires jésuites entreprirent de regrouper les indiens dans des réductions (du latin reducere qui signifie regrouper). Leur but, les aider à promouvoir leurs langues et à préserver leurs coutumes tout en mettant en place une organisation orientée vers le progrès social (en particulier la sédentarisation) et économique (en particulier l'apprentissage des métiers les plus utiles). Ainsi dit, ça ressemble à un programme politique électoraliste qui ne verra jamais le jour; mais ça c'est en réalité traduit dans les faits par un succès probant et grandissant.
Fortes de leurs réalisations et du succès rencontrés auprès des Indiens, notamment Mojos, Chiquitos et Guaranis, les missions jésuites s'attirent les bonnes grâces des fonctionnaires espagnols et portugais en appliquant scrupuleusement les dispositions légales protectrices des Indiens. Mais elles se retrouvent en opposition directes avec les forcenés des "encomiendas" visant à asservir les Indiens pour les réduire à la main-d'oeuvre bon marché nécessaire dans leurs exploitations coloniales. C'était en totale contradiction avec le principe d'égalité des droits et des devoirs de tous les hommes et de leur vocation à la liberté, comme il fut reconnu lors des conférences de Valladolid de 1550 et 1551 réunies par Charles Quint.
La raison du pouvoir économique a ses raisons que même la raison de la loi n'a pas. L'ordre des jésuites tombe en disgrâce et les missions à portée des forces de l'ordre colonial seront toutes détruites et les indiens massacrés. Comme pour d'autres ordres ayant servis l'église catholique au prix d'innombrables serviteurs ayant donné leur vie, l'autorité papale n'hésitera pas à les lâcher pour préserver ses alliances jugées plus importantes avec les couronnes d'Europe. Le spectacle nocturne en hologrammes présenté dans les ruines de la mission de San Ignacio Miní en Argentine raconte admirablement un de ces tragiques épisodes.
Les somptueuses églises érigées par la Compagnie de Jésus dans certaines grandes villes sud-américaines témoignent de la puissance spirituelle, mais aussi financière et sociale, de l'ordre. Les architectures imposantes, l'organisation des espaces, la qualité des matériaux, la splendeur des décorations intérieures, les quantités d'or recouvrant les boiseries, comme à Quito, toutes occupent dans le patrimoine religieux construit d'Amérique du Sud une place de premier choix. Celui-ci, comme l'oeuvre des missions, a depuis été heureusement reconnu par les autorités locales comme par la communauté internationnale, en particulier l'UNESCO.
Est-ce qu'à l'époque, la puissance évoquée par ces églises jésuites a desservi la Compagnie de Jésus au moment de ses déboires avec le pape et les forces coloniales? Aujourd'hui en tous cas, tout comme les anciennes missions jésuites, elles constituent des lieux courus par les touristes et les fidèles qui font la fierté de ceux qui s'en occupent et des habitants où elles se situent. Et les programmes d'actions éducatives et sociales fleurissent encore aujourd'hui sur les tableaux d'affichage des églises; alors que les missions donnent lieu à des événements musicaux et théâtraux qui attirent les foules. S'ajoutent bien entendu les multiples institutions scolaires où la pédagogie jésuite profite abondamment aux populations locales.
L'oeuvre jésuite en Amérique du Sud inspire notre plus profond respect et notre grande admiration. Nous ne manquerons pas d'y penser en poursuivant notre périple en Amérique Centrale puis du Nord.
A suivre...
05.10.14
Le Messie - Alléluia
G.F. Händel