Nos chroniques
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Potosi l'exigeante
Située à 4070 m, au pied du Cerro Rico (la montagne riche), Potisi est exigeante avec les touristes qui la visitent, elle l’est encore plus avec ceux qui y vivent.
Il y a longtemps que les derniers fruits de l’opulence de Potisi ont été expédiés en Espagne ou dans les caisses de la Banque Centrale de Bolivie. Reste aujourd’hui une ville de quelque 150’000 habitants qui, organisés en coopératives, extraient principalement du zinc et du plomb du Cerro Rico, mais dans des conditions qui restent humainement intolérables. Un superbe Hôtel de la Monnaie transformé en musée, une multitude d’églises somptueuses et une architecture dite coloniale encore bien conservée constituent avec les mines une grosse attraction touristique. Cependant, on y croise que des touristes essoufflés par la visite d’une ville non seulement très haute en altitude, mais tout en pente. Il nous a d’ailleurs bien fallu trois jours pour que notre tête cesse de bourdonner, moyennant une hydratation particulièrement abondante et un ou deux cachets. Quant au souffle, il ne s’est guère amélioré. C’est une expérience à vivre.
Potosi n’attire pas seulement le touriste, elle attire surtout les petits paysans des campagnes où la vie est probablement plus dure encore qu’à la mine; ce qui lui donne une population très mélangée. Les toilettes les plus modernes côtoient les tenues traditionnelles, les automobiles les plus récentes croisent les charrettes à bras. L’immense marché, composé d’une infinité de petites échoppes, offre tout, des produits agricoles les plus artisanaux aux ordiphones les plus récents, dans toutes les gammes de qualité. Nous avons remarqué le nombre particulièrement élevé de vendeurs de matériel de mineur (barres à mines, masses, pioches, brouettes, chaines, étais, casques, lampes, explosif, etc.). Les mineurs se rendent à la mine avec leur propre équipement... Mais laissons là la réalité présente de la mine. Nous avons d’ailleurs renoncé à la visiter. L’exploitation de l’homme par l’homme doit être combattue, pas donnée en spectacle. C’est dans le même ordre d’idée que nous nous approchons le moins possible des familles de nomades ou des petits exploitants agricoles les plus démunis. Le confort et la technicité de notre casa rodante sont outrageusement riches et perfectionnés en comparaison de leurs abris et de leurs équipements. Les écarts des niveaux de vie entre ceux qui sont largement sous le seuil de pauvreté et ceux qui sont très au-dessus doivent être drastiquement réduits, pas transformés en trophées photographiques.
Avant de retraverser l’enfer de poussière, de pollution et de circulation du vaste chantier minier entourant Potisi, pour nous en échapper en direction de Sucre, revenons encore à sa Casa Nacional de la Moneda. Ce fut un des huit hôtels qui frappait la monnaie dans toute l’Amérique à l’époque coloniale. Notons qu’alors, la monnaie avait un cours unique sur tout le continent américain, y compris en Espagne et dans ses autres colonies.
Nous sommes accueillis dans la cour de la Casa Moneda par un gigantesque masque réalisé par le français Eugène Mulon vers 1850. Il est devenu en quelque sorte la masquotte de la ville (photo cent.). A l’étage sont présentées des peintures d’inspiration religieuse de grands formats, autrefois accrochées dans les églises. La plus célèbre et aussi la plus intéressante est d’un auteur anonyme. Intitulée Pachamama o Virgen del Cerro, elle synthétise toute l’histoire de Potosi et de sa montagne riche à la manière étonnante des peintres flamands (photo de droite). Le manteau de la Vierge représente le Cerro Rico. A ses pieds Potosi, le centre du monde. La Casa abrite aussi une collection admirable des équipements utilisés à l’époque pour frapper la monnaie ainsi qu’une des cristaux et des minerais du Cerro Rico.
Pour la chaleur hospitalière de ses indiens mineurs, pour sa Casa de la Moneda, pour ses églises, pour son marché, mais aussi pour son altitude, Potosi mérite indiscutablement qu’on s’y arrête.
A suivre...
PS La Saya est la musique de la communauté afro-bolivienne de la Valle de Yungas. C’est là que résident les descendants des esclaves africains envoyés en masse dans les mines boliviennes pour accomplir les travaux que même les esclaves indiens leurs laissaient. Ils n’ont jamais été bien intégrés à la société bolivienne. Les mariages des leurs avec des indiens sont encore aujourd’hui très rares. V. aussi la vidéo http://www.youtube.com/watch?v=Y1YFDXUsGH8.
24.01.14
Bailando La Saya Afro
G. Semilla